BPI France : Trois questions à Alexandre Zapolsky, PDG et co-fondateur de LINAGORA

BPI France : Trois questions à Alexandre Zapolsky, PDG et co-fondateur de LINAGORA

Le champion de l’open source estime que la liberté d’accès aux logiciels et la co-construction sont les clés du succès numérique. Avec pour corollaire une révolution déjà en marche en France, et à venir dans plusieurs pays d’Afrique.

Linagora, la société que vous avez co-fondée, est spécialisée dans l’édition de logiciels libres. Cette liberté est-elle la condition sine qua non pour l’innovation ?

Alexandre Zapolsky

 

Alexandre Zapolsky: De manière générale, le numérique apporte beaucoup de disruption dans les secteurs classiques. Mais effectivement, le stade ultime, c’est l’open source et le logiciel libre, qui permettent la plus grande innovation. Car l’innovation vient de la co-création. J’en veux pour preuve l’intervention de Carlos Ghosn, le Pdg de Renault-Nissan au dernier CES de Las Vegas. De quoi a-t-il choisi de parler ? De son nouveau partenariat stratégique, dans le but de développer une plateforme open source pour les véhicules autonomes. Disponible pour les start-up, les laboratoires indépendants, les chercheurs, la plateforme pourra être utilisée par tout le monde pour copier et modifier les logiciels existants afin de créer un véhicule électrique sur mesure. C’est révélateur, non ? Seul, on innove avec moins de vélocité que si on co-construit… On tire partie de l’intelligence d’autrui, de ses idées et c’est de là que jaillissent les meilleures innovations. La disruption vient tout simplement de l’extérieur.

Vous souhaitez que la France devienne le « Pays des Lumières 2.0 », selon votre expression. Est-elle bien placée ?

AZ : Absolument ! Que l’on prenne comme repères nos universités, nos médailles Fields ou nos écoles de coding – comme l’École 42, qui affiche, selon le dernier challenge CodinGame, les meilleures performances mondiales -, et l’on voit qu’il se passe quelque chose !

« On se rend compte que notre pays a vraiment des atouts! »

Et si l’on associe à l’éducation et l’excellence dans le coding les autres qualités reconnues de la France, en matière de créativité et de design, on se rend compte que notre pays a vraiment des atouts ! Il faut donc être positif et se féliciter de cette dynamique, incarnée par exemple par la French Tech. Enfin, la France est l’un des leaders mondiaux en matière d’e-gouvernement, un mouvement qui permet aux citoyens de mieux construire les outils de dialogue entre autorités et administrés.

Au delà de la France, vous misez beaucoup sur le numérique pour le développement de l’Afrique, pouvez-vous nous en dire plus ?

numérique en Afrique

AZ : Le grand défi de l’Afrique, c’est la croissance de sa population. Avec actuellement 1,2 milliard d’habitants, le continent devrait en compter 4,2 milliards d’ici 2100, selon l’Unicef. A ce rythme, dans le seul domaine de l’éducation, il faudrait, dans les 25 années qui viennent, que les pays d’Afrique construisent 2 000 fois plus d’écoles qu’il en existe actuellement en France ! C’est tout bonnement impossible ! Les enseignements numériques, à base de Mooc, par exemple, seront donc indispensables, et nombre d’enfants ne connaîtront jamais l’école traditionnelle, entre les quatre murs d’une classe…
Même chose pour l’agriculture, et toujours dans le souci de gérer l’explosion de la population. Ce serait impossible – et peu recommandable, de toute façon – d’appliquer les recettes occidentales d’agriculture intensive, qui ont montré leurs limites. Le numérique et les objets connectés pourront en revanche permettre à de nombreux petits producteurs d’être plus efficaces et d’accroître leur productivité tout en gérant les ressources en eau. Je suis d’ailleurs persuadé que le rôle de la France est de proposer une troisième voie numérique pour œuvrer au co-développement de l’Afrique.
C’est vrai pour l’éducation et l’agriculture, mais aussi pour la bonne gouvernance. Si les citoyens pouvaient avoir recours au numérique pour être en contact avec leur administration, par exemple, cette évolution serait de nature à réduire la corruption… L’Hexagone peut ainsi épauler des incubateurs, qui commencent à fleurir en Afrique, comme à Bamako, au Mali, pour permettre l’éclosion de start-up africaines. Les choses doivent se faire de l’Afrique pour l’Afrique. Quant aux entreprises françaises, elles doivent absolument inclure l’Afrique dans leurs plans stratégiques. C’est d’ailleurs ce que nous faisons à Linagora, avec, dans le sillage de notre expansion en Tunisie, un prochain développement au Maroc en 2017, et qui sera suivi d’une implantation en Afrique de l’Ouest.

Linagora est membre du réseau Bpifrance Excellence.

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